Cet article tente de reprendre le plus brièvement possible quelques fondements de l’advaita vedânta (non-dualité) de la spiritualité indienne. Il s’inspire entièrement de l’excellent ouvrage L’advaita vedânta facile du philosophe, indianiste et sankritiste Dennis Waite paru aux éditions Almora en 2021. L’auteur a étudié l’advaita pendant plus de vingt ans et a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet. Ce livre est se lit très facilement et il permet de bien comprendre les concepts de la non-dualité.
Source : Waite, Dennis. L’advaita vedânta facile. Aux sources de la spiritualité indienne. Paris, Almora, 2021
L’advaita vedânta (advaita signifie non-dualité) part du principe que nous croyons que nous sommes des êtres limités. Pour satisfaire cette inclination à ne plus être limité, nous nous mettons à désirer des objets croyant que cela nous rendra complet (alors que nous verrons qu’en réalité ce n’est pas le cas). Le désir est problématique dans le sens où une fois qu’il est consommé, nous voulons remplacer ce désir par un nouveau désir afin de combler ce sentiment de limitation. Nous sommes ainsi dans un cycle sans fin de désirs suivis d’actions. Parmi ces désirs, il y a néanmoins qu’un seul véritable désir qui est celui de réaliser notre propre nature, réalisation qui nous montrera que nous sommes en fait illimités (que nous sommes déjà complets).
Croire que nous sommes limités s’explique par le fait que nous confondons le réel satyam (c’est la réalité éternelle, indépendante, sans forme) de l’apparent mithya (c’est la chose qui n’a pas de réalité ; une forme transitoire ; une chose qui est dépendante de quelque chose ; qui est nommée mais qui n’existe pas réellement). L’apparent nous trompe sur la réalité des choses : il n’existe véritablement rien qui soit un « bol », ce n’est qu’un nom donné à une forme particulière d’argile. En tant que chose séparée, « bol » n’a pas de réalité : il est mithya alors que l’argile elle-même est réalité (satyam). L’erreur que nous faisons s’explique par le fait que nous surimposons une fausse apparence (le bol) sur la réalité.
Cette confusion adhyasa (c’est le résultat de notre ignorance) entre le réel et l’apparent nous fait croire que nous sommes limités alors qu’en réalité nous sommes illimités. La raison de cette confusion vient de notre ignorance du Soi atman (c’est la Conscience véritable identique à la Conscience universelle, le Brahman qui lui est satyam) parce que nous croyons que nous sommes un esprit et un corps alors qu’en réalité et au-delà de cette perception dualiste, nous sommes la Conscience qui anime temporairement le corps et l’esprit (la Conscience universelle est la seule chose qui n’est pas dépendante de quoi que ce soit : nous sommes cette réalité).
Par conséquent, l’advaita vedânta propose comme but de la vie de nous débarrasser de cette limitation perçue et de « devenir » illimité (or, on ne peut pas devenir illimité puisque nous le sommes déjà). En fait, ce que nous promet l’advaita par son enseignement, c’est d’acquérir cette connaissance que nous sommes déjà illimités, complet et parfait.
Sans cette connaissance, croire que nous sommes limités et incomplets nous rend malheureux, un état qui nous poussent vers un cycle sans fin de désirs nous encourageant à acquérir des possessions ou un statut afin de parvenir à un achèvement qui n’est que fallacieux (puisqu’il ne nous rend pas véritablement complet). Nous souffrons donc des conséquences de cette confusion qui nous habitent entre la réalité (satyam) et l’apparent (mithya), entre l’illimité et le limité.
Le processus de l’advaita (non-dualité) va consister à découvrir que notre façon de voir la chose est erronée. L’objectif de l’advaita est de nous éduquer afin de cesser d’accepter le monde apparent qui nous entoure comme étant la réalité (que tout cela n’est que nom et forme apparent d’une réalité non-duelle).
L’advaita est précieux dans le sens où il nous fournit la connaissance du Soi (atman) qui nous permettra de réaliser que le monde est seulement Brahman (le Soi universel, l’Absolu, Dieu ; ce qui est éternel et omnipénétrant, qui est la cause de tous les êtres), que je suis Brahman (je suis cette réalité illimitée), qu’il n’y a pas de dualité, et donc nul besoin de me soucier de ma vie ou de ma mort puisque je ne suis pas un corps et un esprit mais la Conscience (l’erreur consiste à s’identifier à notre corps et notre esprit).
La cause de cette confusion s’explique par maya (irréalité, illusion), une force qui nous fait voir un monde de dualité (alors que la réalité est non-duelle). Maya a ce pouvoir de dissimulation (avarana) semblable à l’effet d’un voile qui engendre l’ignorance et nous empêche de voir la vérité telle qu’elle est. Les pratiques de l’advaita atténuent maya et dissipent ce voile qui nous trompe sur le caractère illimité de notre réalité.